R. Ruppen Coutaz: La voix de la Suisse à l’étranger

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Titel
La voix de la Suisse à l’étranger. Radio et relations culturelles internationales (1932–1949)


Autor(en)
Ruppen Coutaz, Raphaëlle
Reihe
Politiques et échanges culturels
Erschienen
Neuchâtel 2016: Éditions Alphil
Anzahl Seiten
518 S.
von
Pauline Milani

Le Service suisse des ondes courtes (SOC), créé en 1938, était jusqu’à présent resté en marge des études sur les médias comme sur les relations culturelles internationales. Mentionné régulièrement comme un acteur dont l’importance paraissait indéniable, il restait toutefois largement méconnu. La thèse de Raphaëlle Ruppen Coutaz comble ainsi une lacune importante de l’historiographie.

S’appuyant principalement sur les archives papier du SOC, classées en 2011 – les archives sonores ont malheureusement disparu –, l’historienne retrace les premières années d’existence du SOC et cherche à analyser son importance dans «l’intensification des relations culturelles internationales de la Confédération» (p.13). L’ouvrage est organisé en trois parties chronologiques qui questionnent chacune le développement du média en lui-même, analysent son rôle dans le développement des relations internationales et l’intègrent à une histoire des organisations internationales liées à la radiodiffusion.

La première partie (1932–1938) revient sur la mise en place des premières émissions de radio sur ondes courtes par le Service Suisse de Radiodiffusion. Celui-ci fait partie des précurseurs en Europe et s’inspire notamment du modèle britannique. Les radios diffusant sur ondes courtes sont depuis les années 1930 un moyen privilégié pour atteindre des publics dans le monde entier. Alors que les communications intercontinentales sont lentes ou onéreuses, la radio permet de transmettre aux Suisses de l’étranger les nouvelles du pays, mais aussi de nourrir leur lien avec leur pays d’origine, activité d’autant plus importante que les expatrié∙e∙s sont considéré∙e∙s comme des ambassadeurs de la culture helvétique alors que le système diplomatique reste encore peu développé.

La deuxième partie de l’ouvrage (1938–1943) présente la fondation du SOC proprement dit et sa réorientation vers des publics plus diversifiés. L’éclatement de la guerre et le consensus très fort qui imprègne les protagonistes de cette histoire, tout comme la subordination du SOC à la direction générale du Service de la Radiodiffusion, influencent grandement les programmes, qui servent à diffuser la ligne officielle du Conseil fédéral à l’étranger. Le SOC est alors, avec le Secrétariat des Suisses de l’étranger, la seule structure capable d’incarner le volet extérieur de la Défense spirituelle telle que préconisée par le Message sur la culture du 9 décembre 1938.

La troisième partie de cette étude (1943–1949) couvre les années durant lesquelles le SOC devient un véritable instrument pour diffuser une image favorable de la Suisse à l’étranger, en particulier en direction des Alliés. Jusqu’en 1945, voire 1949 avec la réorganisation de Pro Helvetia et de sa section de rayonnement culturel, la question est en effet laissée dans les mains du Secrétariat des Suisses de l’étranger et des ondes courtes. Les responsables des ondes courtes se plient d’eux-mêmes à cette mission, sans percevoir «l’emprise des autorités politiques helvétiques comme une entrave à leur liberté diplomatique» (p. 444).

R. Ruppen Coutaz estime ainsi que le SOC peut être considéré comme un acteur diplomatique informel, qui a contribué de manière essentielle au rayonnement de la Suisse à l’étranger et à la création et propagation d’une image positive du pays. Vecteur d’un message politique unilatéral et d’une pensée réactionnaire (p.261), le SOC a pourtant en parallèle bataillé pour s’intégrer dans les diverses organisations internationa- les de radiodiffusion, et préparé ainsi le terrain à la réintégration du pays sur la scène des échanges culturels internationaux.

L’ouvrage de R. Ruppen Coutaz apporte une contribution importante à l’histoire des médias helvétiques. Mais c’est bien plus que cela. Cette étude nous plonge dans les débuts de la diplomatie publique suisse et éclaire sous un angle original la Défense nationale spirituelle. À cet égard, la périodisation adoptée est particulièrement pertinente. Les années 1932–1949 s’avèrent déterminantes dans la mise en place d’une diplomatie qui combine initiatives privées et étatiques, ce qu’on appellera bien plus tard une diplomatie publique.

Elle comporte des pratiques qui vont de la diplomatie culturelle aux échanges internationaux, en passant par les enquêtes d’opinion, les activités de plaidoyer en faveur du pays et la radiodiffusion, pour chercher à convaincre l’étranger du bien-fondé de la politique suivie par le pays émetteur. Ce dispositif de légitimation se met en place en Suisse dès la seconde partie des années 30, d’abord par l’initiative des acteurs privés, pour être progressivement, durant la Guerre froide, investi par la Confédération. Ce qui est remarquable ici, et l’ouvrage de Ruppen Coutaz le montre très bien, c’est la grande homogénéité des acteurs et leur relative indépendance formelle face à l’État. Celui-ci n’a pas à intervenir, car tous (en effet, à la notable exception d’Alice Briod, du Secrétariat des Suisses de l’étranger, les femmes sont absentes de cette histoire) sont imprégnés des valeurs de la Défense nationale spirituelle, qui les poussent à diffuser une image flatteuse du pays et à relayer les positions du Conseil fédéral. Comme le souligne l’auteure, c’est donc moins la Voix des Suisse∙sse∙s qui se fait entendre sur les ondes courtes, que la Voix des autorités.

À partir de 1949, le SOC concentre davantage d’attention à l’Asie et aux pays du Tiers Monde. Il doit également coordonner son travail avec un nombre croissant d’acteurs des relations internationales, comme Pro Helvetia par exemple. L’étude s’arrête sur ces nouveaux défis posés au SOC dont les émissions ont perduré jusqu’en 2004. Le champ de recherche est donc loin d’être clos.

Zitierweise:
Pauline Milani: Rezension zu: Raphaëlle Ruppen Coutaz: La voix de la Suisse à l’étranger. Radio et relations culturelles internationales (1932–1949), Neuchâtel: Alphil, 2016. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 68 Nr. 2, 2018, S. 413-415.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 68 Nr. 2, 2018, S. 413-415.

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